Ce roman me hante depuis ma première lecture, à sa publication en France, en 2014. J’ai immédiatement compris qu’il fallait absolument l’enregistrer, faire de ce livre audio un véritable objet sonore. Le principe de réalisation s’est vite imposé : trois voix, enregistrées séparément, pour que l’ensemble reste une lecture, colle au texte, et ne devienne pas une dramatique radio. Trois voix qui devaient absolument dire le sens profond du roman : le monde est fait de violence et de fureur, il broie les êtres, jusqu’aux enfants.
Alexis Victor, Samuel Charle, Pauline Ziadé. Trois voix pour lire Le Puits et porter sa beauté noire.

©  Multisonor

J’ai très longtemps cherché la voix du narrateur. Le comédien devait être capable de porter une violence froide, sourde, devenir tour à tour ce monde violent et destructeur, ce survivant qui raconte, ce témoin dévasté par la fureur et le chagrin, par le désir de vengeance…
Quand j’ai enregistré Alexis Victor pour un autre ouvrage, j’ai décidé dès l’ouverture du micro, et espéré, que ça serait lui. En fin de séance, je lui ai donné mon exemplaire du roman, qui ne me quitte jamais. Le lendemain matin, très tôt, il m’a appelé, c’était d’accord, évidemment. Il m’a attendu deux ans...
Il était impossible de donner à des enfants un texte aussi dur, aussi remuant. Il fallait absolument des adultes pour lire cet amour, ces souffrances, ces haines, ces espoirs, ces phrases d’une justesse et d’une beauté stupéfiantes, jamais puériles. Et beaucoup, beaucoup de talents pour ne jamais tomber dans le ridicule, ou les voix de « dessin animé ».
Samuel Charle est devenu le Grand, sans casting, sans lecture. Une seconde évidence. Et, une fin d’après-midi, au micro de notre petite cabine de voix, Pauline Ziadé a créé la voix du Petit, libéré la puissance poétique du roman… et volé le Cheval d’Attila.
« Impossible d’en sortir on dirait, dit-il. Puis il ajoute : mais on sortira ».
Jean-Christophe Vareille, réalisateur du livre audio Le Puits